Comment se développe le microbiote intestinal du bébé ? Par le Dr. Julien SCANZI
Le microbiote intestinal est au cœur des questions de santé et fait de plus en plus l’objet d’études scientifiques. Il revêt une importance fondamentale pour notre santé et ce, dès le plus jeune âge. Dans ce nouvel article, nous vous invitons à comprendre comment se développe le microbiote intestinal du bébé. Quel est le rôle de la grossesse ? Dans quelle mesure l’allaitement maternel impacte le microbiote du bébé ? Quels sont les autres facteurs qui influencent la mise en place du microbiote de votre enfant ?
Avant la naissance : quels facteurs sur le développement du microbiote du bébé ?
Nous héritons de notre ADN mais également de notre microbiote, du moins en partie. La différence ? Nos gènes se transmettent de génération en génération sans modification majeure. C’est un peu différent pour le microbiote. En effet, notre mode de vie, et en particulier nos habitudes alimentaires, ont beaucoup changé depuis l’époque des chasseurs-cueilleurs. Entre l’avènement de l’agriculture il y a 20 000 ans et l’industrialisation, notre régime alimentaire est devenu beaucoup moins diversifié et contient une quantité moindre de fibres.
Un microbiote moins riche et moins diversifié
Sans compter sur les nouvelles pratiques d’hygiène, la mise en place de la césarienne, le recours aux pesticides et aux antibiotiques. Nous savons cela grâce aux études scientifiques qui explorent la composition du microbiote. Et nous pouvons donc dire qu’aujourd’hui, et sans culpabilisation aucune, les mamans transmettent un microbiote moins riche et moins diversifié. D’autant que nous n’héritons pas directement de notre microbiote. En effet, le nouveau-né hérite d’une partie du microbiote de sa mère (surtout s’il s’agit d’un accouchement par voie basse) et probablement aussi un peu de son père par l’intermédiaire du “peau-à-peau”. Ceci étant, il varie selon différents facteurs environnementaux.
L’évolution du microbiote maternel pendant la grossesse
Néanmoins, le microbiote de la future mère va en quelque sorte préparer le terrain pour le bébé. En effet, de nombreux changements ont lieu pendant la grossesse, que ce soit au niveau hormonal, la prise de poids, les modifications du métabolisme. Et le microbiote n’échappe pas à la règle : il se modifie tout au long des 9 mois de grossesse. Par exemple, saviez-vous que l’augmentation de la progestérone permet d’enrichir en bifidobactéries le microbiote de la femme enceinte pour que celle-ci puisse les transmettre à son bébé à la naissance ? De plus, l’évolution du microbiote maternel au cours de la grossesse permet d’extraire et stocker plus de calories à alimentation égale, pour assurer au bébé un développement foetal optimal sans manger davantage.
La naissance, moment clé pour le microbiote intestinal
Une colonisation à partir de la naissance
À ce jour, nous ne disposons que d’une connaissance partielle des conditions de l’émergence de la flore intestinale du nourrisson. Alors qu’est-ce qui nous permet de savoir comment se développe le microbiote intestinal du bébé ? Une équipe scientifique a notamment démontré que les premières selles du bébé (que l’on appelle le méconium) prélevées in utero au cours d’une césarienne, étaient stériles. Cela confirme que la colonisation microbienne des intestins se déroule à partir de la naissance (1).
Par ailleurs, nous savons que les premières espèces colonisatrices consomment l’oxygène du milieu pour favoriser l’implantation d’autres espèces qui constitueront la grande majorité du microbiote mature de l’enfant (2). Grâce à des études menées chez l’animal, nous avons appris que l’ordre de la colonisation est important et que les premières espèces qui arrivent dans le milieu possèdent un avantage sur les suivantes. (3). De plus, nous savons que des facteurs extérieurs influencent le microbiote du tout-petit, comme notamment l’origine géographique. Ceci étant, cela semble logique car les modes de vie sont très différents d’un continent à l’autre.
L’accouchement par voie basse et la césarienne : quelle différence sur le microbiote ?
Le bébé né par voie basse possède un microbiote dont la composition est plus proche de celui de sa maman qu’un bébé né par césarienne. Le premier bénéficie d’un ensemencement naturel par les bactéries vaginales et fécales de sa maman. Le second est d’abord colonisé par des germes de la peau de sa maman ainsi que de l’environnement (4). On note dans ce cas un retard de colonisation bactérienne, notamment en bifidobactéries, et une diversité microbienne inférieure. Votre bébé est né par césarienne ? Rassurez-vous, rien n’est définitif et cela peut se corriger en quelques mois (5). Malgré tout, cela revêt une importance forte pour le développement de votre enfant et notamment de son système immunitaire.
Plusieurs études ont mis en avant la légère augmentation (de 15 à 20%), en cas de naissance par césarienne, du risque de développer plus tard des maladies comme l’asthme et la maladie de Crohn, en lien avec un dysfonctionnement immunitaire. Nous ne savons pas totalement si cela est lié au microbiote, mais autant commencer avec un “bon” microbiote dès le départ ! Nous pouvons citer deux études :
- en 2016, des mamans avec une césarienne programmée se sont vu appliquer une compresse dans leur vagin pendant l’heure précédant l’accouchement. Cette compresse a ensuite été badigeonnée sur la bouche et le visage de l’enfant dès sa sortie de l’utérus, puis sur le reste de son corps. Les résultats ont montré que ces bébés avaient un microbiote plus proche d’enfants nés par voie basse que ceux nés par césarienne ;
- en 2020, une équipe finlandaise a également étudié la possibilité d’améliorer le microbiote d’un nouveau-né après une césarienne. Les résultats de cette équipe sont plutôt encourageants !
Poursuivons nos recherches pour voir comment se développe le microbiote intestinal du bébé après l’accouchement.
La mise en place du microbiote intestinal du bébé après la naissance
L’importance de l’allaitement maternel pour le microbiote du bébé
L’allaitement maternel présente de multiples bienfaits pour le nourrisson. Il couvre tous ses besoins (glucides, protéines, lipides, vitamines, sels minéraux, oligoéléments) en justes quantités. Il contient également des anticorps précieux pour son système immunitaire.
Et comme la vie est vraiment bien faite, le lait maternel contient de la nourriture pour le microbiote du tout-petit : les oligosaccharides, qui sont des petits sucres dérivés du lactose que le bébé ne sait pas digérer. On les retrouve alors intacts dans ses intestins, où les bactéries vont les utiliser pour se nourrir et proliférer. Ils vont donc être utilisés comme source d’énergie par des bonnes bactéries comme les bifidobactéries. Le microbiote du bébé allaité est ainsi plus riche en bifidobactéries par rapport à un bébé nourri avec du lait en poudre. L’allaitement maternel est bien le facteur qui influence le plus la composition du microbiote du bébé dans les premiers mois de vie, après le mode de naissance.
L’impact de la diversification alimentaire
Par la suite, lors de la diversification alimentaire, la composition du microbiote va beaucoup se modifier et s’enrichir. Plus le bébé va grandir et plus son microbiote va se diversifier et s’enrichir. Il atteindra une composition proche de celui de l’adulte vers l’âge de 3 à 5 ans.
Les effets indésirables des antibiotiques sur le microbiote
La mise en place de cet écosystème microbien est très fragile et la moindre perturbation peut avoir des conséquences importantes. C’est notamment le cas lors de la prise d’antibiotiques, que ce soit pendant la grossesse, lors de l’accouchement ou après la naissance du bébé. En effet, la plupart des antibiotiques vont détruire une partie du microbiote intestinal et entraîner ce que l’on appelle une dysbiose (voir article précédent). Pris avant l’âge de 2 ans et surtout lors des 6 premiers mois, ils peuvent augmenter le risque de voir le développement de maladies comme l’obésité, l’asthme, des allergies, du diabète de type 1, des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, etc.
Les 1000 premiers jours
La période des 1000 premiers jours de l’enfant, allant de sa conception à ses 2 ans, est cruciale pour sa santé future : on parle de “DOHaD” (origine développementale de la santé et des maladies). Au cours de cette période du développement de l’enfant, des variations subtiles des conditions de vie (notamment environnementales et sociales) vont avoir une influence sur sa santé future y compris à l’âge adulte, notamment via des phénomènes épigénétiques. Il convient donc de limiter les médicaments et de manger le mieux possible (pendant la grossesse et l’allaitement) et de prendre le meilleur départ possible lors de la diversification alimentaire pour donner de bonnes habitudes à l’enfant.
Nous avons vu comment se développe le microbiote intestinal du bébé. Nous ne possédons pas à ce jour toutes les connaissances mais comprenons certains mécanismes. Comme pour tout, l’essentiel est de saisir les éléments clés, sans pour autant tomber dans la perfection. Si votre enfant est né par césarienne ou s’il n’a pas été allaité, ce n’est pas une fatalité et il ne faut pas culpabiliser. Faites de votre mieux au quotidien et transmettez-lui les meilleures habitudes possibles lorsqu’il découvre l’alimentation, avec des fruits et légumes frais, bruts et le moins de produits ultra-transformés possible.
Nous nous engageons à ce que les plantes entrant dans la composition de leurs produits soient cultivées et récoltées par des agriculteurs engagés dans une démarche de qualité et de respect de l’environnement.